Par Daniel Vézina
Directeur-général de l’organisme Familles pour l’air pur

Retranscription écrite de l’allocution du 10 mars 2025 devant la CMM


La pollution de l’air c’est :

1400 décès par année
dans le sud du Québec. 

11 milliards en coûts
socio-économiques. 

Le chauffage au bois, ça tue et ça rends malade – et tout le monde est à risque 

Regardez autour de vous. Une personne sur deux est plus vulnérable d’avoir des conséquences graves en lien avec la pollution de l’air. Et même si le risque de développer une maladie cardiaque ou respiratoire ne vous fait pas peur, les recherches scientifiques récentes sur les effets neurologiques de la pollution de l’air devraient vous amener à réfléchir. Qui autour de la table ici aimerait augmenter son risque de finir ses jours atteint de la maladie d’Alzheimer ou voir son enfant ne pas réaliser son plein potentiel cognitif en raison de la pollution de l’air ? 

Que vous soyez maire ou mairesse de Blainville, Mascouche, Mirabel, Candiac, Boucherville ou Contrecoeur, la pollution de l’air, ça vous touche personnellement, votre famille et tous vos concitoyens. 

Trop longtemps, on a tout misé sur les arguments de l’industrie qui tente de nous faire croire que si on a encore un problème de qualité de l’air, c’est juste parce qu’on n’a pas encore acheté un nouveau poêle à bois ou qu’on brûle du bois qui n’est pas assez sec. 

Les résultats promis par l’industrie ne sont pas au rendez-vous. Les émissions canadiennes de particules fines qui proviennent du chauffage au bois stagnent depuis 20 ans alors que tous les autres secteurs se sont améliorés. On sait aussi maintenant que le chauffage au bois a des impacts importants sur l’environnement et sur l’accélération de la fonte de la calotte glaciaire.

Remarquez – ça nous arrangeait un peu de penser qu’on pouvait continuer à brûler du bois sans changer nos habitudes. 

La norme sociale qui entoure le feu de bois est très forte au Québec. C’est d’abord et avant tout devenu une activité récréative associée au réconfort et au bien-être individuel. L’imagerie du feu est omniprésente dans notre société – dans les magazines de décoration, dans la publicité ou dans le folklore. On a tous des souvenirs positifs très forts associés au feu – moi inclus – et ça, c’est un obstacle énorme à la perception des risques réels pour la santé et l’environnement. 

Il faut donc commencer par débanaliser le chauffage au bois. Il ne s’agit pas ici de stigmatiser les gens, mais de rallier la population sur la nécessité d’agir. Les utilisateurs d’appareils de chauffage au bois sont les premières victimes des pratiques d’écoblanchiment de l’industrie qui ont façonné la pensée dominante actuelle. 

Si on se met à règlementer sans adresser le facteur humain, ça va être très difficile de faire des avancées significatives. Il faut donc prévoir des investissements importants dans des campagnes pour attaquer l’image positive du feu de bois en parallèle à toute action règlementaire.

Alors concrètement, qu’est-ce qu’on propose pour intervenir ?

Pour toutes les villes et municipalités de la CMM : on a besoin d’un règlement plancher en deux étapes :

PREMIÈREMENT, il faut interdire immédiatement les nouvelles installations – que ce soit dans les nouvelles constructions ou dans les maisons existantes – c’est la première chose à faire. Les nouveaux appareils polluent encore beaucoup trop, ça veut donc dire que chaque nouveau poêle à bois contribue à agrandir le problème actuel. Basé sur le concept de bénéfices par tonne d’émissions de Santé Canada et de l’EPA, nous on estime que chaque nouveau poêle installé sur votre territoire coûtera 500,000$ à la société sur toute sa vie utile. 500,000$ en coûts socio-économiques, c’est une évaluation assez conservatrice et même si on s’est trompé de 100 ou 200,000$, les impacts sanitaires restent totalement disproportionnés et l’action municipale est pleinement justifiée. 

DEUXIÈMEMENT, on doit interdire l’utilisation des vieux poêles (et de tous les foyers décoratifs) sauf en cas de panne – Ça ne coûte rien et c’est comme fermer un robinet. Il n’y a strictement aucun coût à assumer pour la ville et les effets sur la santé publique et l’environnement vont se faire sentir immédiatement. Plus c’est mis en vigueur rapidement, plus les résultats vont être au rendez-vous. Bien sûr, les lobbys de l’industrie vont militer pour des délais les plus longs possibles pour ne pas perdre de vente éventuelle et pour nous maintenir collectivement dans l’habitude du chauffage au bois. Nous, on pense que ça prend des délais serrés pour inciter davantage les gens à abandonner l’habitude. Si on a aujourd’hui de beaux résultats sur la qualité de l’air à Montréal, ce n’est pas parce que les gens ont tous remplacé leur vieux poêle du jour au lendemain, c’est parce que la plupart des Montréalais ont simplement arrêté de chauffer au bois.

Ce qu’il faut éviter à tout prix ici c’est de brûler des fonds publics dans des programmes de remplacement inefficaces qui engendrent des effets pervers et qui alimentent la confusion dans le message à la population. 

Rappelons qu’il n’y a pas de seuil sécuritaire d’exposition aux particules fines. Se contenter de réduire les jours de smog, c’est manquer d’ambition. L’OMS a établi des valeurs cibles basées sur les connaissances scientifiques actuelles, c’est vers ça qu’on devrait se tourner pour réellement avoir un impact sur la maladie et la mortalité. 

Si dans votre ville, vous voulez aider à la transition, ce qu’on vous recommande c’est de subventionner des alternatives sans combustion. Ça peut être de fournir une aide financière au retrait des appareils, pour l’achat d’une thermopompe ou encore pour un foyer électrique. 

Dire aux gens de remplacer leur vieux poêle, c’est comme dire à un fumeur de simplement réduire un peu sa consommation de cigarette et tout va bien aller. L’abandon de l’habitude, c’est ça l’objectif à garder en tête! 

Ce qu’on vous recommande aujourd’hui comme réglementation plancher c’est un minimum qu’on devrait avoir rapidement dans toutes les villes de la CMM. 

CUISSON AU BOIS COMMERCIALE

Même si le chauffage au bois résidentiel est la principale source de pollution de l’air dans la CMM, ça ne veut pas dire qu’on ne doit pas travailler sur les autres enjeux. 

La cuisson commerciale au bois, c’est 3% des émissions de PM2.5 à Montréal. C’est évident que ce n’est pas un enjeu populationnel aussi énorme que le chauffage au bois, mais localement c’est un risque de santé environnemental très important pour le voisinage. 

Actuellement, il y a un laisser-aller total qui engendre des situations aberrantes comme la proximité d’une école ou d’une garderie d’un établissement qui utilise la cuisson au bois ou au charbon. 

On devrait s’inspirer de ce qui a été fait par la ville de New York dans la dernière année. En six mois à peine, la ville a réussi à adopter un règlement très contraignant pour réduire les émissions des pizzérias et le mettre en application. Un autre règlement qui vise les grills est en voie d’être mis en vigueur avec la même rapidité. 

La CMM avait déjà un règlement sur la table pour agir juste avant que la pandémie arrive. Qu’est-ce qu’on attend ici pour agir ? Ça fait des années que le problème de cohabitation est évident dans certains quartiers.

FEUX EXTÉRIEURS

Concernant les feux extérieurs en été, ce serait une erreur de ne pas intervenir simplement parce que peu de villes le font. En une seule soirée, un feu peut émettre autant de particules fines qu’une nouvelle voiture à essence durant toute sa vie utile. 

Dans son bilan annuel de 2024 sur la qualité de l’air, le ministère de l’Environnement reconnaît la contribution importante des feux extérieurs à la pollution de l’air en été. 

Même si c’est une source locale de pollution de l’air moins étudiée, je peux vous dire que ça créé beaucoup de détresse chez les gens qui vivent avec une maladie respiratoire et qui doivent composer avec la fumée du feu du voisin. 

Ces gens-là ne savent plus vers qui se tourner et les villes refusent bien souvent d’intervenir.  

Les feux extérieurs n’ont plus leur place dans les quartiers résidentiels. 

CONCLUSION

La pollution de l’air n’a pas de frontière. Seuls, vous ne pouvez pas changer grand-chose et vous allez ramer à contre-courant.

Ensemble, vous avez le pouvoir d’agir, de protéger la vie humaine et de marquer l’histoire.

Au nom des gens qui souffrent en silence et au nom de ceux qui veulent rester en santé, écoutez la science et agissez – maintenant.

Daniel Vézina

Daniel Vézina
Directeur-général de l’organisme Familles pour l’air pur

https://www.famillesairpur.org/